Des photos, des moments de vie, des lectures, des émotions, ma vie ou ce que je veux bien en dévoiler. Permettez moi de partager avec vous.
Un stigmate nous désigne. Alors que nous nous croyions en pleine gloire, quelque chose en nous s’effondre, signe la fin de nos illusions et nous promet avec plusieurs années d’avance une fin horrible. Aucun geste ne peut plus nous sauver.
J'ai entretenu une correspondance avec Maxime Montel puis le silence.................
Cela restera un moment fort dans ma vie, je pense souvent à lui.
Je notais en première de couverture le nom de mes amis qui disparaissaient à une vitesse hallucinante victimes du SIDA , je n'aurai jamais imaginé pouvoir supporter autant de souffrance ........ Et pourtant je n'ai pas révé le drame était réel la mort était partout, l'amour devenait dangereux.
On a déjà beaucoup écrit sur le sujet. Une littérature de constat : poignante,
déchirante ou enragée. Mais c’est la première fois, à ma connaissance, qu’hormis
Susan Sontag, un homme émet, hasarde, ose une réflexion philosophique sur la
chose. Ce petit livre, qu’on aurait presque peur de qualifier d’admirable, comme si
on risquait encore d’occulter la redoutable justesse de son propos derrière l’affirmation
d’une sorte d’exploit intellectuel, nous laisse enfin pressentir la maladie
comme inauguration, avènement du règne d’un mal absolu. Comme si l’ordre du
monde cautionnait, en quelque sorte, la politique du pire.
Montel dit l’abasourdissement devant l’irruption d’un événement qui met à
mal tout un destin, et compromet toute espérance. Il dit l’anarchique et
monstrueuse violence de la dévastation physiologique. Il dit la stigmatisation qui
en découle, l’immense arbitraire de la sanction. Il rappelle comme enjouée,
glorieuse, urgente était la vie avant d’en arriver là. Et la lâcheté du complot ourdi
contre tout cela : « Alors que nous entremêlions nos corps, notre sang, nos
vaisseaux, nos artères se chargeaient d’un mal invisible. Ainsi donc, Sodome, à
nouveau, a retrouvé l’opprobre. »
Puis il montre, comme personne, l’efflorescence du travail de mort, le
navrant saccage du corps, des amis, des proches. La déshumanisation qui en
procède, inéluctablement. La profusion de souffrance que cela entraîne. La portée
métaphorique du désastre et l’impuissance de la médecine à l’endiguer.
L’explosion du non-sens que certains s’efforcent encore de travestir en obscure
logique, attitude qui rappellerait un peu les prétentions eugénistes du régime nazi.
«Une stratégie de l’exclusion s’impose : le temps est revenu de la mise à l’index, du
rejet. »
Maxime Montel, Un mal imaginaire, Paris, Minuit, 1994
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