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Des photos, des moments de vie, des lectures, des émotions, ma vie ou ce que je veux bien en dévoiler. Permettez moi de partager avec vous.

Niagarak. Yves Navarre

Numériser0013-copie-1Ce matin-là, de l'été 1975, Yves va chez l'épicière, pendant que l'eau chauffe pour le thé. Il achète du lait, des yaourts, des bâtons de vanille et de l'eau de fleur d'oranger pour des compotes dont, à son tour, il a le secret. Il achète aussi Le Provençal. Pendant qu'il prend son petit déjeuner, en première page du journal, il lit l'annonce d'un meurtre non loin de Joucas, dans les Alpes-de-Haute-Provence. Le jeune employé d'un hôtel, apatride au nom étranger, aux cheveux blonds et qui, sur la photo, encadré par deux gendarmes, regarde droit l'objectif, comme s'il regardait Yves, a tué un jeune homme, mineur, dont seul le prénom est annoncé. Yves revient chez l'épicière, achète Le Méridional, en principe rival du Provençal, le premier étant de gauche, le second de droite, une division encore, et dans Le Méridional lit une autre version des faits. Sur la photo, cette fois, le meurtrier, toujours encadré par les deux gendarmes, baisse la tête. Il baisse la tête parce qu'on le fait entrer dans une fourgonnette. Mais sur la photo, il baisse la tête comme un coupable. Le Méridional accuse. La narration des faits est déjà tendancieuse. Le Provençal, lui, propose encore un peu un jugement et offre le regard de l'assassin en guise de questionnement : ça y est, roman.

Yves se met à sa machine à écrire. Après La Loca et Lorsque le soleil tombe, il va revenir une troisième fois à Huelva. Le crime a eu lieu là-bas. Le Provençal s'intitulera Pueblo et Yves recopie mot à mot le premier article en changeant seulement les noms de personnes et les noms de lieux. Le Méridional s'intitulera Patria. Le peuple d'un côté et la patrie de l'autre. Yves recopie les deux articles. Confrontation des deux versions. Le texte est lancé. C'est ainsi qu'Yves tuera enfin Rupture n° 1. Là-bas. Au bout d'un si long voyage. A Huelva. Quand il savait jouir encore. Mais de quelle jouissance parle-t-il quand il dit qu'il jouit ? Une jouissance esthétique, recherche du corps parfaitement désirable ? Une jouissance fécondante, recherche de plaisirs de compagnie, d'ordonnances et de courtoisies, débuts, en amitié, de tant de vies à deux ? Ou bien une troisième jouissance ? Mais laquelle ? La jouissance de la distance ? Ne plus donner d'importance aux pères de toutes sortes ? Ne plus trop « tout écouter » ? Ne plus se sentir attaqué ? Ne plus avoir recours à ces images qu'il mêle, tragiques, sur tous les faits de sa vie ? Niagarak. Roman.

 

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Le blog de Gérard

J'aime me balader l'appareil photo à l'épaule et saisir des instants de vie. J'aime aussi la littérature, le théatre et le cinéma en fait suis trés banal. Mais j'aime partager mes émotions.
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