Ce sont amis que vent emporte Yves Navarre Mon coup de coeur du jour le 03 Mai 2010

Publié le 3 Mai 2010

Un homme meurt. Le mot sida est biffé mais chacun peut le lire. Yves Navarre raconte la phase terminale de la maladie dans la vie d'un couple d'homosexuels. Là où la maladie frappe dur et sûr. Là où la mort accélère son travail de sape.

Ce sont amis que vent emporte (titre emprunté à un poème de Rutebeuf) soulève des questions graves : comment dire le sida sans complaisance dramatique, sans ombres moralisatrices, sans militantisme aveugle ?

Yves Navarre tente d'éviter les pièges d'une fiction qui, sur un tel thème, ne peut être qu'écrasée par la réalité. Il décrit les sept derniers jours d'un homme et fait très peu référence à l'hôpital, aux soins, à la souffrance physique. Les deux amis sont enfermés dans leur appartement. Au bout de l'ultime chemin : « Quand on n'a que l'amour... »

 Le médecin, le docteur K. n'apparaît qu'au dernier chapitre, chargé de communiquer la confession du narrateur. La famille et les amis sont pratiquement absents. Yves Navarre a donc choisi l'épure d'un huis clos : deux hommes atteints par le virus. L'un des deux va mourir.

Celui qui écrit, Roch, est sculpteur. Celui qui meurt, David, est danseur. L'atelier de Roch, à Montréal, est leur port d'attache. Ils «sont ensemble» depuis vingt ans. David (quarante ans ?) a eu un fils, Akira, d'une danseuse japonaise. Il ne le connaîtra qu'au moment de mourir. C'est le dénouement d'une histoire qui fut heureuse. Une vie d'homosexuel se consume. Un couple de garçons s'éteint. Ils ont partagé des aventures, des joies et des espoirs.

Ont-ils été contaminés par Zachary, un jeune Noir mort très vite au début de l'épidémie. Il est fait allusion à cette période trouble où les homos étaient confrontés au «cancer gay», l'absurdité d'un mal mystérieux si vite récupéré par l'ostracisme que l'ignorance et la panique en occultèrent son importance jusqu'à bloquer la vigilance des homosexuels eux-mêmes.

 Ce roman grave souligne le plus tragique en quelques scènes brèves et extrêmement pudiques : Roch lave David, le couche, l'enlace, le nourrit, lui brosse les dents, une descente dans la mort... Il y a aussi les lettres de Rachel, la mère de David, parce que Roch (pour David ?) réclame très fort qu'elle authentifie leur amour.

"Ce sont amis que vent emporte" raconte la fin d'une vie, quand un garçon, jeune, atteint du sida, n'a plus que son ami, seul à pouvoir comprendre une mort qui en dit long sur une vie. Une histoire de tous les jours, quand on a la chance d'être deux. Plus profondément, Yves Navarre a écrit le roman de l'amour homosexuel. Il reste un doute : cet amour ne peut-il être reconnu que parce que le sida lui offre ses lettres de noblesse ?

 

 

Rédigé par Spirou93

Publié dans #Yves Navarre

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